Rencontre avec Peter Solo, fondateur de Vaudou Game. Cet ancien sideman de Myriam Makeba et Papa Wemba, a reboosté le funk avec plus de Vaudou, d’afro-groove, et de son psyché des 70’s. Son discours est engagé, plus spirituel que politique. Il entend remettre les choses à leur place : expliquer la réalité du Vaudou qui est avant tout une culture de l’harmonie avec la nature.
Avant le concert de Vaudou Game à Lafi Bala 2015, nous rencontrons donc cet artiste charismatique pour voir un peu derrière le masque…
Justement, ce masque cornu que l’on voit en couverture de l’album et sur la plupart de vos visuels : que représente-t-il ?
Peter Solo : Il s’agit d’un guerrier qui patrouille la nuit et protège le village des voleurs et des brigands. Il s’appelle Zagbeto.
Vous faites du "Vaudou Funk" lié à la fois aux musiques d’Afrique et aux musiques des États-Unis d’Amérique. Pour les non spécialistes quelle est la différence avec l’afrobeat ?
Peter Solo : L’afrobeat revendique un engagement politique direct et les morceaux de Fela Kuti font 10 ou 15 ou 20 minutes avec une structure où on ne retrouve pas couplet-refrain. Notre vaudou funk est plus proche de James Brown ou de l’Orchestre Polyrythmo de Cotonou ou El Rego. On est engagé mais pas politiquement, plutôt spirituellement.
Vous diffusez un héritage musical et spirituel : que voulez-vous dire de la culture Vaudou ?
Peter Solo : On veut remettre les choses en place, en tant qu’artistes, amener le regard des occidentaux sur la réalité de la culture vaudou. Ce n’est pas un film, ce n’est rien de négatif, ce n’est pas une poupée que l’on perce d’aiguilles pour faire du mal à quelqu’un. Le vaudou c’est une culture, une manière de vivre, c’est l’harmonie avec la nature, c’est la paix l’amour, la tolérance. C’est la terre vivante, la nature qui nous soigne, nous nourrit et nous habille.
Le vaudou c’est aimer la nature tout simplement : pas la terre d’Afrique ou d’Europe, pas l’eau de France ou l’air du Togo : c’est une philosophie universelle car la nature est partout.
Le vaudou c’est croire en la nature, lui parler et l’écouter. L’océan, par exemple, était là avant nous, il a été témoin de choses que l’homme n’a pas connu…
Le mot "vaudou" veut dire "consulter".
Les musiciens français avec lesquels vous jouez, vous les avez initiés aux rythmes et même aux chants de cette culture vaudou. Qu’est-ce que le vaudou apporte à l’occident ?
Peter Solo : "Initier" n’est pas le mot approprié : il s’agit d’expliquer tout simplement et de partager. Pour quelqu’un de l’occident, pratiquer le vaudou aiderait à faire face au monde et à la mort aussi. Le vaudou parle des humains, des liens avec la nature et avec la mort, le tout en harmonie.
Photo de Christophe Boillon au Cosmojazz Festival 2014
Quel est le rôle de la musique dans le vaudou que ce soit dans la pratique religieuse ou tout simplement dans la culture vaudou ?
Peter Solo : La musique est un moyen de guérison et de communion. Elle permet aux gens d’aller au-delà du monde, au-delà de soi-même. La musique porte les adeptes vers la transe qui permet de révéler des choses du monde et des choses de nous-mêmes : des choses que normalement l’humain ne peut pas voir. Sans musique, il n’y a pas de vaudou. Avec le chant et la danse, avec une philosophie, des rites et une tradition orale, le vaudou est porteur d’énergie.
Dans Vaudou Game il y a toutes ces dimensions là ?
Peter Solo : Bien sûr car il y a le funk ! Le vaudou funk et le funk des années 70 et 60 ! Le funk est porteur de cette énergie de transe qui vient du Togo et du Bénin. Ce rythme vient de la musique que l’on joue à Sakpata qui est la divinité du feu. Quand tu écoutes juste ce rythme : c’est du pur funk ! Ça te pousse comme du James Brown !
Vaudou Game à la Fête du Cognac
Comment ce message de spiritualité peut-il aller avec des concerts et des festivals ?
Peter Solo : La cérémonie vaudou n’est pas triste : c’est la fête et ça sert à soigner. Ça sert à renverser les pensées négatives pour les rendre positives. La musique du vaudou est positive car en l’honneur de la nature qui elle seule nous dit ce qu’il faut faire, pas quelqu’un en haut qui nous ferait faire la gueule…
Alors évidemment : tout cela va très bien avec les festivals et avec les humains en grand nombre.
Que percevez-vous du Burkina Fasso et de la récente révolution ?
Peter Solo : Le Burkina c’est les cousins, c’est les voisins, j’y vais souvent pour jouer et on est des frères. On est fiers de ce qu’ils ont fait, c’est très positif d’avoir de l’alternance et du changement. Je suis très fier du peuple burkinabé.
Allez au Burkina, allez au Togo : sur place vous aurez un ressenti différent. On a la chance de ne pas avoir d’or ni de diamants ni de pétrole : cela nous permet de vivre en paix… quitte à galérer.
Si tu avais un super pouvoir ça serait quoi et pour quoi faire ?
Peter Solo : Faire qu’il y ait plus d’amour dans ce monde, plus de lien avec la nature, avoir la force de la nature pour montrer aux humains que la nature est là pour nous protéger, que nous en faisons partie, que ce n’est pas quelque chose qu’il faut utiliser, exploiter, détruire. J’aimerais avoir la force de faire comprendre ça aux humains. On dirait qu’on ne comprend rien malgré tous les dégâts que l’on constate. L’humain ne voit pas tout ça à cause de la surconsommation qui nous fait croire à un monde sans fin et où l’on ne regarde pas en arrière : on ne voit que devant et on court. Je voudrais avoir la force de mettre un coup de fouet dans ce monde de barbares pour que l’humain se reconnecte à la nature.
Si tu pouvais voyager dans l’espace et dans le temps, tu irais où et quand ?
Peter Solo : Je vis au présent, je me sers du passé afin de m’engager pour le futur… mais si je dois retourner en arrière… J’aime beaucoup les années 60 et 70 : il y avait de la très bonne musique, immortelle !
Quel est ton méchant préféré ?
Peter Solo : George Walker Bush car il a quand même changé le monde et l’a rendu pire que jamais. Il a ajouté du chaos dans ce monde et a mis des intégristes partout, déclenché des guerres du pétrole et divisé encore plus les humains.
Propos recueillis pas Gaspar
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